Celui qui... partait.
Il y a environ un an et demi une amie m'a présenté toute sa bande d'amis d'enfance lors d'une grosse soirée chez elle. Une dizaine de potos bien sympathiques et bien drôles. On a bien sympathisé avec l'un d'entre eux, K, sous la couette à base de préliminaires (le fait de ne jamais penser à apporter des capotes en soirée m'a surement sauvé d'un plan cul pourri et sans intérêt). Je sortais d'une rupture hypra-hyper-méga-super-hard-core-de-la-mort-qui-tue (mon ex ayant déménagé à Paris pendant notre relation, puis trompé et quitté pour une nana rencontrée sur Tinder qui a le même prénom que moi (cherry on the cake maggle). Ils venaient de s'installer ensemble après seulement quatre mois de relation. Bref, moi j'étais au fond du trou, je me disais que je ne méritais pas d'être heureuse à la fin, j'avais juste envie de sauter sur le premier venu mignon et sympa parce que de toutes façons: à quoi bon ? Je ne vaux rien, pas même un petit prout de respect.
On s'est recroisé tous les mois avec ces braves gens. Avec K, ça ne s'était pas refait jusque là mais on passait nos soirées à se chercher quand même. C'était un petit jeu établi entre nous. Et une soirée m'a confirmé que c'était mort dans l'oeuf: pendant que j'étais sortie fumer il m'a discretos envoyé un texto pour me demander si on dormait ensemble. J'ai répondu que c'était une bonne idée mais je l'ai tout de même prévenu que j'avais mes règles, me doutant du but de la manoeuvre. Aucune réponse. Lorsque je suis revenue, ma meilleure amie restée tout près de lui et de son meilleur pote sans qu'ils ne s'en aperçoivent m'a tout de suite sauté dessus en me disant à l'oreille "K. a lu à voix haute ton texto à son pote et leur échange s'est résumé à mot pour mot "laisse tomber, tu pourras pas la baiser" "ouais t'as raison ça sert à rien si j'peux pas la baiser. J'vais essayer d'avoir une de ses potes là". Ok. Bon. Donc on est d'accord que la frustration peut te... frustrer ? Mais ce discours m'a bien calmé et fait mourrir toute forme de potentielle attirance pour ce gars et son zizi. Et puis finalement il s'est bel et bien tapé une pote à moi qui elle n'avait pas ses ragnagna. Comprenez, l'appel du zizi c'est plus fort que tout, même le respect. Un bien long texte donc, pour finalement vous dire que celui qui partait, ce n'était pas lui. C'était son pote, R.
En attendant j'ai continué à entretenir une relation des plus malsaines avec mon ex (oui oui celui qui est parti avec Tinder-Girl-Same-Name) à base de :
Lui: J'veux te faire l'amour toute la nuit.
Moi: Ouais ! Allez ! (aucune once de respect pour moi même).
Après le sex-du-feu-de-Dieu-all-night-long, regarder chacun le plafond.
Lui: C'est pas bien. Je suis désolé.
Moi: Non c'est pas bien. Mais ne me dis pas que tu es désolé.
Un vieux refrain.
R. et moi on ne se parle jamais aux soirées depuis l'an et demi qu'on s'y voit. Il dégage un sentiment étrange lorsqu'on ne le connait pas: il impressionne. Je ne saurais pas vous dire pourquoi, mais en le rencontrant on ne fait pas le premier pas d'aller lui taper la causette s'il ne le fait pas. Il n'est pas facile à approcher et à force je me disais même qu'en fait il était surement hautain et un brin trop confiant. En fait non, il est timide, c'est tout (eh oui banane). Alors, certes, il me paraissait se la péter avec son petit nez en trompette (j'vous ai dis que R. a un petit nez en trompette et des fossettes trop mimis ?), MAIS je ne peux cacher que je le trouvais très mignon (cf le nez en trompette et les fossettes trop mimis, pardi) malgré tout. Alors pendant un an et demi nos échanges se sont résumés à "Salut ça va ?" "Rentre bien attention sur la route" et autre "Tu peux me passer une bière stp ?" ou encore l'éternel "T'as du feu ?", le tout souvent alcoolisés et sans avoir le moindre égard l'un envers l'autre. Franchement, on se fichait royalement de l'un et de l'autre.
Et puis un jour, ma pote a eu 26 ans et a su la même semaine qu'elle partait quatre ou cinq mois bosser en station de ski. La double occasion de boire des litres de bières et de manger des kilos de chips et autres tapas dans sa maison, encore. A cette soirée nous étions une trentaine, et K. m'a tourné autour comme un toutou (déso pas déso mon vieux) qui veut son nonosse. Et j'en avais rien à faire parce que 1) se reporter à l'épisode des ragnagna. 2) c'était la première fois qu'on se bidonnait avec R. Je ne sais pas ce qui s'est débloqué pendant cette soirée, ça s'est surement fait pendant une partie de Caps à pleurer de rire, où nous étions dans des équipes opposées et où nous avons passé toute la partie à essayer de nous déstabiliser et à tricher. On s'est mit à se parler, vraiment se parler. Et qui l'eu cru que nous aurions des atomes crochus ? (J'vous raconte pas la jalousie mal placée et à peine discrète du toutou qui s'est mit à m'envoyer moult texto me rappelant à quel point mon fessier lui vendait du rêve. Charmant, distingué, classe, crevard, queuetar. Choisissez dans la liste, plusieurs réponses possibles). Au fur et à mesure tout ce petit monde est allé se coucher, mais R. et moi on est restés trois heures devant un ordinateur à chanter et danser sur du rap et de l'electro, nos bières à la main. Lorsqu'on a décidé qu'il était temps de dormir, il était cinq heures du matin, et c'est naturellement que l'on s'est allongés sous les mêmes draps, sans se toucher, tout timides. On s'est raconté nos vies jusqu'au levé du jour comme de vieux amis, puis on s'est finalement embrassé, câliné. Le tout timide qu'il est était bien là, la tête sur mon ventre, me disant qu'il se sentait tout étrange avec moi, qu'il avait le coeur à deux cents et que ça faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé. On s'est endormi sur ces douces paroles, l'un dans les bras de l'autre.
Revenons à la réalité. Le matin suivant une nuit avec un mec en soirée, on ne sait jamais comment se comporter: était-ce pour une nuit ou allons-nous nous revoir ? Est-on proche au réveil et aux yeux des autres ou pas ? Comment se dit-on au revoir ? C'est toujours un moment un peu délicat qui peut devenir très gênant s'il est mal géré (de type le bisou sur la bouche esquivé rapidement par l'autre en bise et tape-dans-le-dos-vieux-poto). Je voulais revoir R. et il n'a pas tardé à montrer les signes d'une réciprocité (et là c'était le clap-clap-clap du singe marionnette dans ma tête). Il s'est montré proche avec moi devant les autres sans aucun souci (ce qui m'a rapporté des regards interloqués de certains et les "oh que vous êtes mignons" de ma pote). Il nous a raccompagné en voiture trois amis et moi à la gare et m'a embrassé sur le parking en me demandant à l'oreille que l'on se revoit dans les prochains jours (ce que je me suis empressée d'accepter CA VA DE SOIT). A ce moment là, j'avais complètement sorti de ma tête que pendant la nuit il m'avait dit que quelques mois plus tard il partait pour huit mois en Amérique Latine.
Alors on s'est revu, trois jours plus tard. On est allé boire un café et il m'a fait visiter l'appartement (la ruine) qu'il avait acheté deux ans plus tôt et qu'il finit de retaper. Et puis, de retour dans la voiture pour rejoindre nos amis, il m'a dit qu'il voulait qu'on parle de son départ, qu'il voulait savoir comment je voyait les choses et ce que je voulais faire. Ca m'a paru bien rapide comme discussion sur le coup, mais j'ai compris quelques jours après qu'il avait eu raison d'en parler dès le début. Il avait vraiment envie qu'on se voit mais n'avait pas envie de se dire qu'il s'engageait dès le début dans une relation très bientôt à distance, et moi non plus. En Amérique Latine il ne pourra presque jamais me contacter car il sera très souvent dans des coins reculés. Alors on a mit les choses à plat et on s'est mit d'accord: on avait envie de se fréquenter jusqu'à ce qu'il parte, on ne sera plus ensemble pendant ces huit mois à l'étranger, et on verra quand il rentre ce qu'il en est de nous.
Il est hors de question que je ne vive pas quelque chose qui s'annonce aussi bien parce qu'il y aura séparation quelques mois (ou définitivement). La vie c'est ça. Et puis ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas ressenti les premiers temps d'une relation, les papillons dans le ventre, les joues qui rougissent, les gaffes de début, se sentir déséquilibrée et vulnérable, être déshabillée délicatement pour la première fois par ses mains. Cette relation me fait un bien fou, m'a reboosté dans un moment difficile de ma vie parce qu'il a le pouvoir de me rendre heureuse alors que je suis malade (maladie pulmonaire rare, orpheline et incurable et c'est le caca dans ma vie depuis les quelques mois que je suis atteinte). Heureuse comme si je n'étais pas malade. Heureuse comme si de rien n'était. Heureuse comme si tout à coup j'avais oublié la maladie.
Aujourd'hui ça fonctionne toujours très bien entre nous. On a développé une très bonne complicité et on est tout mignons. Il part dans un mois et demi et nous sentons l'un comme l'autre que l'au-revoir va être difficile. On se l'est dit une fois, il y a une quinzaine de jour, mais on ne se le redit pas, on le sait bien assez, et on ne veut ni l'un ni l'autre gâcher ces bons moments. En attendant, on vit tout ça à fond. On va au cinéma, boire des coups avec des amis ou tous les deux, on retape son appart, faisons des gros repas chez des amis..
Il me récupère toujours sur ce même parking de la gare et les papillons dans mon ventre sont là lorsque je vois sa voiture arriver.
Et à toi qui est parti avec Tinder-Girl: je suis libérée de toi. Je l'étais depuis longtemps mais il fallait ressentir quelque chose pour quelqu'un d'autre afin de le comprendre. C'est celui qui partait mais c'est celui qui m'a libéré de toi, pauv' tâche.
Bonne continuation :)